Daniel
Sernine
Préface au
recueil d'illustrations Chimères (t.1) 1988, de Pierre
D. Lacroix
Lorsque
la première illustration signée "Pierre Djada Lacroix"
est parue dans le milieu québécois de la science-fiction et
du fantastique (des dessins au trait assez frustre, dans REQUIEM/SOLARIS
no 23, octobre 1978), Lacroix avait déjà 28 ans. Peu de gens
savent qu'il avait, avant cela, collaboré pendant six ans
au journal POP ROCK, y signant des articles sur David bowie,
Mike Jagger, John Lennon ou Neil Young. Il y a même publié
sa première fiction, «Bob Dylan Blues» (vol.5, no 13, août
1976).
Les
lecteurs de la revue CARFAX savent que Lacroix écrit; ce qu'ils
apprennent aujourd'hui, c'est qu'il avait publié poème, nouvelle
et textes avant de publier des illustrations. Mais on retrouve
déjà dans certains titres la thématique de dessins ultérieurs:
«La Fin d'une ombre», par exemple, poème paru en 1970 dans
PHOTO JOURNAL.
Si
la création de nouvelles a jusqu'ici été limitée, sa production
illustrée a par contre été abondante: en science-fiction et
en fantastique, plus de trois cents illustrations (couvertures)
publiées à ce jour (1988), nous dit-il, surtout dans le champ
de la fanédition québécoise et européenne (dont ANTARES, AZ,
MELMOTH, PHENIX), mais aussi dans des magazines culturels
comme L'APROPOS et LE MEDIATEUR, des périodiques de l'Outaouais.
Ce
sont les Chimères. Les chimères déjà aperçues, les chimères
inédites. C'est un trois-mats penché par le vent sur une mer
houleuse, une mer/Poe, une mer/Hodgson. C'est le naufrage
dans une mer de gravure ancienne. C'est une vision nouvelle
de sirènes au corps sinueux. C'est l'envol d'un héron et la
fuite d'une tartane.
Les
chimères de Lacroix, ce sont aussi des femmes, femme évanescente
au fond d'un salon clair-obscur, femme/roseau dans un vent
d'automne. Et des fleurs, imprécises ou héraldiques, les fleurs/ramage,
les fleurs/chiffon, ou celles qui ont la texture d'une mousse.
Les
textures... les draperies étoilées et frangées, les gobelets
et les bougeoirs d'argent martelé, les coupes et les narguilés
de verre givré.
Et
ces étranges mages à tête de lapin, lapins sévères ou cruels.
Et cet homme/chien traqué. Et ces hommes adultes qui naissent
d'oeufs flottant dans l'espace.
Chimères,
ce sont les silhouettes, celles du brouillard, celles de l'ombre
(chinoise parfois),
c'est la danse démente des squelettes
et la mort dans une seringue pointilliste.
Chimères:
Pierre Lacroix est en vie et dessine toujours...
Daniel
Sernine, écrivain
Montréal, octobre 1988
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