José
Moinaut
A CEUX QUI AIMENT LES
CHATS
Ce
matin-là, je regardais mes chats
qui, d’ailleurs, me regardaient
aussi...
Comme souvent, j’écrivais,
et de temps à autres,
je levais les yeux vers mes amis
qui ont le don de m’apaiser,
de me rendre à moi-même.
Par les temps qui courent et nous
dépassent, c’est précieux.
Soudain, assis sur la table sur
laquelle j’étais penché,
mes chats tressaillirent.
La boîte aux lettres venait
de claquer.
Du courrier, donc! Cela pouvait
attendre.
Voilà qui n’était
pas l’avis de mes félins qui se redressèrent,
puis sautèrent de la table
et filèrent
tout droit vers la porte de l’appartement.
Je n’avais pas à leur obéir
— du moins théoriquement
—
mais leur attitude m’étonna
et je les suivis.
Je descendis les quelques marches
qui me conduisirent à ce
fameux courrier.
Envoyé le 2 septembre, il
me parvenait le 27 octobre!
Il avait pris son temps, mais la
route avait été longue.
Pensez, il provenait du Québec,
et comme je n’ai de secret ni pour
vous, ni pour mes chats,
je vous dirai même qu’il
était signé Pierre Lacroix.
Il m’envoyait, quoi donc...?
Quelques dessins de chats! Les
miens le savaient-ils?
Je n’affirme rien, je constate.
Ce que je peux assurer,
c’est que ce genre d’attitude est
tout à fait exceptionnel.
Jamais ils ne se déplacent
pour du courrier.
Ils n’aiment le papier que pour
jouer,
lorsqu’il est en boule et qu’ils
en font autant.
Ce matin-là, ils m’observèrent
et me virent regarder au loin.
Là, sur le dessin, il y
avait deux chats à l’avant-plan,
des arbres et une maison dont la
porte était ouverte.
Voilà qui me plaisait autant
qu’à mes chats.
Histoire de s’évader, soit
de l’intérieur vers l’extérieur, soit l’inverse.
La question est de ne pas être
prisonnier, ou alors librement!
Ça arrive, on reste entre
quatre murs
parce qu’on est bien chez soi
et qu’on ne veut voir personne...
Ça arrive à tout
le monde!
Du moins un temps, celui de la
réflexion,
ou mieux encore : de la méditation.
Je parle, bien sûr, pour
ceux qui aiment les chats.
Les autres, je ne sais pas.
Je me méfie un peu, je ne
les fréquente pas trop.
Toujours est-il que ce courrier
m’a inspiré ces quelques lignes.
Et comme la porte ouverte, le voilà
qui devient
“Lettre ouverte à ceux qui
aiment les chats”.
Pourquoi pas?
Cela n’empêche pas d’aimer
autre chose...
Les chattes, par exemple.
José Moinaut, écrivain
Extrait de «Terroirs... Terre»
Editions Magie Rouge, Belgique, 1993